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Expertise patrimoniale

Beau-parentalité et transmission du patrimoine : un vide juridique en quête d’équité

Date de publication : 09/12/2025

Il y a des réalités de vie que le droit peine encore à appréhender. La situation du beau-parent en est une. Dans les familles recomposées, qui représentent une part croissante de la société française (un enfant sur dix vit dans une famille recomposée), un adulte s’investit quotidiennement dans l’éducation et le bien-être d’un enfant sans en être le parent légal. Il le soigne, l’élève, l’écoute, le protège, le conseille, parfois durant des années. Il construit un lien d’amour et de responsabilité, souvent aussi solide (voire davantage) qu’un lien biologique.

Pourtant, dès que surviennent les questions patrimoniales, cette relation disparaît : le beau-parent n’a légalement aucune existence.

Un cadre juridique encore centré sur le mariage et la filiation

Le droit français reste strict : seuls le mariage et la filiation créent des droits successoraux (Code civil, art. 734 et suivants).

Conséquences directes :

  • Le beau-parent ne bénéficie d’aucune prérogative sur l’enfant qu’il élève, sauf délégation ponctuelle d’autorité (Code civil, art. 377)
  • En matière de succession, aucun droit automatique entre beau-parent et beau-enfant
  • En cas de legs ou de donation, la fiscalité est particulièrement sévère. Le beau-enfant est considéré comme un tiers sans lien de parenté, ce qui implique, après un abattement très faible de 1 594 €, une taxation à un taux forfaitaire de 60 % (CGI, art. 777 et 779).

Sans une stratégie spécifique et anticipée, le lien affectif n’a donc aucune portée juridique en matière de transmission, et les intentions de générosité peuvent être lourdement pénalisées.

Des outils existent… mais à manier avec prudence

Même si le cadre légal est rigide, plusieurs solutions permettent d’organiser la transmission.

La beau-parentalité, outils juridiques, avantages, limites et vigilance

Entre affection et équité : des situations singulières

Chaque famille recomposée cherche son propre équilibre. Certains couples souhaitent avant tout se protéger mutuellement, sans léser les enfants issus d’un premier mariage. D’autres veulent remercier un beau-parent qui s’est investi dans l’éducation de leurs enfants. D’autres encore cherchent à préserver une maison de famille ou une entreprise sans créer d’injustices.

Les pistes d’évolution envisagées

La nécessité d’adapter le droit aux réalités des familles recomposées est un sujet récurrent au Parlement et dans les rapports des professionnels du droit (notaires, avocats). Les propositions de réforme visent principalement à apporter une reconnaissance symbolique et un allègement fiscal.

Parmi les propositions récurrentes :

  1. Un statut déclaratif du beau-parent
    La création d’un tel statut permettrait la reconnaissance d’un « lien d’éducation » dès lors qu’un enfant vit durablement avec lui. Ce statut permettrait d’intervenir dans certaines décisions scolaires ou médicales et de participer aux actes de la vie courante. En revanche, il n’ouvrirait pas automatiquement de droits successoraux. Il s’agirait davantage d’une reconnaissance symbolique et fonctionnelle, pour sécuriser le quotidien.
  2. Un abattement fiscal spécifique entre beau-parent et beau-enfant
    L’instauration d’un abattement intermédiaire, entre celui applicable aux tiers et celui en ligne directe, permettrait de transmettre de modestes sommes sans fiscalité excessive, dès lors qu’un lien éducatif durable a existé.
    Dans cet esprit, un amendement au budget 2026 proposait un abattement spécifique de 15 932 € (contre 1 594 € actuellement) pour les transmissions entre un défunt et les enfants de son conjoint ou partenaire de PACS, sans lien de filiation. Pour l’heure, cette mesure a été rejetée.
    Deux conditions étaient prévues :
    – Le défunt devait être marié ou pacsé avec le parent de l’enfant ;
    – Il devait avoir assuré des secours et soins continus, attestant d’une prise en charge effective.
    Les durées minimales variaient selon l’âge de l’enfant au décès :
    – Enfant mineur : secours et soins jusqu’au décès ou pendant au moins 5 ans ;
    – Enfant majeur : secours et soins pendant 5 ans durant la minorité, ou 10 ans au total (minorité + majorité).
    Un tel dispositif, même rejeté à ce stade, témoigne néanmoins de la volonté croissante des parlementaires d’adapter le droit aux réalités des familles recomposées.
  3. Une quotité disponible élargie pour familles recomposées
    Cette disposition a pour objectif d’accorder une petite part supplémentaire de l’héritage à un beau-enfant sans toucher à la réserve héréditaire. Cette voie permettrait d’officialiser ce que bien des conseils arrangent déjà discrètement à travers des clauses d’assurance-vie ou de démembrement.
  4. Une procédure d’adoption simple simplifiée pour les majeurs
    Certains plaident pour une procédure d’adoption simplifiée lorsque l’enfant du conjoint est devenu majeur, afin de fluidifier les démarches et d’alléger les contraintes judiciaires. Cette reconnaissance tardive permettrait de sécuriser des liens anciens, souvent construits dans la durée.

    Aucune de ces pistes n’est encore adoptée, mais toutes traduisent la même intention : le modèle familial ayant changé, le droit doit évoluer à son tour.

En attendant une réforme : l’importance d’anticiper et de se faire accompagner

Face à un cadre juridique encore imparfait, l’anticipation reste la meilleure protection pour les familles recomposées. Cependant, anticiper ne signifie pas seulement signer un testament ou modifier une clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie : cela implique surtout de prendre le temps d’échanger, de clarifier les intentions et de construire une stratégie cohérente.

Pour construire une telle stratégie cohérente et sécurisée, plusieurs étapes sont essentielles :

  • Dialogue familial : clarifier les souhaits de chacun (protection du conjoint, équité entre tous les enfants, reconnaissance du rôle du beau-parent, préservation d’un bien spécifique).
  • Définition d’objectifs : établir des objectifs patrimoniaux clairs, acceptés et compris par l’ensemble des membres du couple.
  • Analyse juridique et fiscale : identifier les outils les plus adaptés en tenant compte des contraintes de la réserve héréditaire, de la fiscalité et des équilibres familiaux.

L’accompagnement par un professionnel du patrimoine prend alors tout son sens. Chez In Extenso Patrimoine, nous intervenons pour :

  • Analyser la situation familiale et patrimoniale dans toute sa complexité,
  • Proposer des scénarios adaptés,
  • Sécuriser les choix juridiques et fiscaux, en veillant à la conformité avec la législation actuelle et future.
  • Coordonner le travail avec le notaire ou l’avocat, garantissant une mise en Å“uvre fluide et efficace.

Dans des configurations aussi sensibles que la beau-parentalité, l’enjeu n’est pas seulement technique : il est humain ! Un accompagnement professionnel permet d’éviter les malentendus, de pacifier les échanges et de traduire des volontés personnelles en solutions solides et durables.

Auteur

Claire-Léa Boccard

Manager du Pôle Ingénierie patrimoniale

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